Les notions d'IRIMI / TENKAN et d'OMOTE / URA
Des conventions terminologiques ? une nécessité
Comme vu dans un autre article
("TaiSabaki et IrimiTenkan"),
le terme d'" Irimi Tenkan" est
d'un usage particulièrement délicat, puisque, lorsque ces
deux mots sont assemblés, ils désignent un déplacement (avancée du pied avant puis pivot
sans changement de garde), mais s'ils sont séparés, ils désignent
(pour certaines attaques et pour certaines techniques)
une alternative, un choix inital auquel est confronté Tori.
Pour recourir à des analogies,
Irimi consiste à "ouvrir la porte pour entrer"
et Tenkan à "ouvrir la porte pour s'effacer".
Donc, pour clarifier le vocabulaire, rien
n'empêcherait d'utiliser le terme "ouvertures" pour désigner
Irimi et Tenkan, puisque ce mot associe la référence à la
porte et l'idée de choix initial.
...Alors que Omote consiste à "submerger" et Ura à "contourner".
(En marge de l'Aikido, d'autres arts martiaux utilisent ces termes :
ainsi, au sabre, "UraGote" [= "Ura + Kote"] est un
mouvement de l'arme qui consiste à contourner les mains du partenaire pour prendre son
poignet droit à revers).
Et, pour aborder la question "selon l'autre point de vue",
Tenkan et Ura sont des esquives par pivot sur le pied avant,
Mais l'"effacement" suppose que le pivot de la rotation est Tori lui-même,
alors que, pour le "contournement", le pivot est Uke.
Des exclusives qui se combinent
Irimi et Tenkan sont exclusifs l'un de l'autre.
De même pour Omote et Ura.
Il s'agit donc d'une paire d'alternatives qui peuvent se combiner,
afin de répondre de la manière la plus efficace aux paramètres
de l'attaque. On peut proposer (mais cela se discute)
que le choix de l'"ouverture" dépend du dynamisme de l'attaque
(que Tori peut percevoir d'emblée),
alors que le choix de la "forme" dépend de la vigueur
de cette attaque (...que Tori constatera ensuite).
En application du principe "7 + 3 = 10, 6 + 4 = 10 etc." (1) et en
supposant que les attaques sont classées par dynamisme et vigueur croissants,
ces combinaisons pourraient être classées : Irimi - Omote,Irimi - Ura,
Tenkan - Omote, Tenkan - Ura. C'est dans cet ordre qu'elles seront présentées
ci-dessous.
Exemple : KatateDori Ikkyo
Il serait logique que les techniques soient nommées en suivant
l'ordre chronologique de son déroulement, le premier terme
étant donc l'"ouverture" Irimi ou Tenkan.
Remarque : Cette technique n'est présentée que
comme un support. La décrire sortirait
du sujet de cet article. Les phases finales (immobilisations) ne sont pas présentées.
Les versions présentées ici sont reconnues par au moins une des deux fédérations.
|
Fig. - 1a : Saisie
|
|
Fig. - 1b : Atemi afin de déséquilibrer
Uke vers l'arrière/extérieur. Certaines écoles
ne pratiquent pas l'Atemi, qui est réduit à un
balayage de protection.
Au niveau des pieds, Tori amorce son changement de garde.
Il s'agit ici de la version
où Tori reste sur "la ligne".
Dans une autre version
Tori pratique l'Atemi tout en effectuant un TaiSabaki
vers le "côté vivant" d'Uke, l'entrainant
dans un mouvement centrifuge.
|
|
Fig. - 1c :
Tori termine son changement de garde par une prise d'angle
(variable selon les écoles, environ 45°) vers le "côté mort" d'Uke.
Brossage du biceps d'Uke,
afin d'accentuer le déséquilibre tout en provoquant
un réflexe de pliage du coude (en effet ici, contrairement
au cas d'un Aihanmi KatateDori, rien n'empêche
Uke de saisir bras tendu, ce qui rendrait la suite
de la technique plus difficile).
|
|
Fig. - 1d :
Rotation en 3/4 de cercle de la main saisie, ce qui provoque
un basculement d'Uke vers l'arrière/intérieur, et un desserrement
de sa saisie.
Tori glisse les doigts de sa main libre dans le vide ainsi créé.
(attention : il ne s'agit pas d'un arrachement de la main d'Uke,
mais d'un placement des doigts comme un "coin", qui accentuera
l'onde de choc dans le bras d'Uke : ainsi celui-ci lâchera naturellement
le poignet de Tori.
|
|
Fig. - 1e : etc.
|
|
Fig. - 2a : Saisie.
|
|
Fig. - 2b :
Brossage avec prise d'angle vers l'extérieur.
L'angle est plus accentué que pour Omote, pour faciliter
le contournement à effectuer.
|
|
Fig. - 2c : Même mouvement des mains que pour Omote
(compte-tenu du fait que l'angle pris est plus accentué).
|
|
Fig. - 2d :
Tori contourne Uke grâce à un vaste TaiSabaki, et saisit son coude.
Son pied droit prend appui vers l'arrière, pour préparer la suite de
la rotation.
La version dessinée correspond à
celle où le pied gauche
de Tori vient derrière le pied droit d'Uke (alors que,
dans une autre version, le pied de Tori est placé à côté de celui d'Uke,
dans ce cas, il n'y a pas de 2ème rotation).
|
|
Fig. - 2e :
Du fait du placement des pieds, la rotation
imprimée est très ample.
Du coup, Uke doit anticiper la rotation en
estimant l'emplacement du point d'appui nécessaire.
|
|
Fig. - 2f :
Poursuite de la rotation, etc.
|
|
Fig. - 3a : Saisie.
|
|
Fig. - 3b :
Tori effectue un IrimiTenkan à 180 °. La position
"paume vers le haut" (version dessinée) indique que
Tori a effectué le mouvement rotatif de son bras gauche dans un plan vertical
(ainsi, pour ne pas lâcher le poignet de Tori, Uke
est contraint de fléchir les genoux, et descendre sur ses appuis).
Certaines écoles dénomment "Taeno Henko"
cette combinaison de l'IrimiTenkan (pour le bas du corps)
et de ce mouvement des bras.
Une autre version consiste, pour Tori, à
placer la trajectoire de son bras sous
celle du bras d'Uke. Dans ce cas la rotation
du bras s'effectue dans un plan horizontal
et la position finale de sa main est "paume vers le bas".
|
|
Fig. - 3c : Rotation de la main de Tori (3/4 de cercle
si départ "paume vers le haut", 1/4 si départ "paume vers le bas").
Uke est contraint de poursuivre son mouvement centrifuge (pour
éviter de lâcher le poignet de Tori).
Au niveau du travail des mains : idem 1d
|
|
Fig. - 3d : etc.
|
|
Fig. - 4a : Saisie.
|
|
Fig. - 4b : IrimiTenkan à 180°,
identique à celui de Tenkan - Omote.
|
|
Fig. - 4c :
Tori glisse ses doigts comme pour Omote.
Mais il
synchronise différemment le mouvement de ses jambes :
Il doit faire rapidement un changement de garde
afin d'anticiper sur le TaiSabaki (légère
prise d'angle possible).
|
|
Fig. - 4d :
Tori contourne Uke grâce à un TaiSabaki (donc, durant
4c et 4d : double changement de garde.
Au cas où, au point précédent,Tori n'aurait pas eu le temps d'effectuer
le premier changement de garde (cf. 4c), il ne peut plus faire
de TaiSabaki. Il peut toutefois tenter une prise d'angle simple,
pour se retrouver dans la même position.
Mais la comparaison des deux procédés démontre que le
TaiSabaki permet un ancrage bien plus efficace pour la rotation
qui suit.
|
|
Fig. - 4e : Identique à l'Irimi Ura (cf 2e)
|
|
Fig. - 4f : Identique à l'Irimi Ura (cf 2f).
|
Peut-on généraliser ?
Au delà de l'exemple de KatateDori Ikkyo,
quelles sont les autres techniques concernées par cette
classification ?
D'une part cela dépend des types d'attaque :
Les saisies faites en GyakuHanmi (KatateDori, KataDori, RyoteDori, KataDori MenUchi)
sont en principe des situations favorables aux quatre combinaisons (à
discuter pour KataDori, en raison de la proximité de Tori et Uke).
Le KataDori MenUchi est un cas particulièrement intéressant car,
en tant que "technique double", il rajoute un niveau à la combinaison :
Les immobilisations pouvant théoriquement
se pratiquer sur le bras du MenUchi ou sur celui du KataDori, il y aurait huit
possibilités pour chaque technique
(mais attention : toutes ne sont pas "académiques", et en fonction
de l'immobilisation à réaliser, certaines sont nettement plus favorables que d'autres).
Par ailleurs, concernant les projections, certaines techniques se prêtent
mieux que d'autres à la combinaison : ainsi la plupart des UchiKaitenNage.
Mais, pour les ShinoNage, Irimi et Omote se confondent. De même
Tenkan et Ura.
Les KoteGaeshi peuvent être considérés, globalement
comme des Tenkan - Omote par nature (mais le cas particulier préconisé pour
le RyoteDori est un contre-exemple).
Les IrimiNage, comme leur nom l'indique, ne peuvent pas avoir
de forme Tenkan (cependant certaines écoles différencient nettement
une forme très directe (alors nommée "Omote") et la forme Ura,
qui est celle préconisée par les
fédérations sans préciser s'il s'agit d'Omote ou d'Ura.
Par ailleurs, ce qu'il est couramment convenu d'appeler KatateDori
(ou RyoteDori) "TenchiNage Ura" est en fait un
exemple très probant de Tenkan - Irimi. Ceci dit, certaines écoles
proposent des versions (plus "contournantes") qui se rapprochent
effectivement de la notion d'Ura.
Une classification générale ?... vaste chantier !
les numéros sont cliquables
Ouvertures
Formes
|
Irimi
|
Tenkan
|
Omote
|
|
|
Ura
|
|
|
Note
(1)
Le "principe de Ogen" est détaillé, entre autres, dans un ouvrage de J-D Cauhepe et A. Kuang
Voici la citation :
" Tant que votre partenaire émettra une certaine énergie, vous devrez
également en produire, afin d'équilibrer l'ensemble, votre partenaire
et vous-même formant une unité, un T'ai-K'i. [...] Vous appliquerez
ce que préconisait Me Kiichi Ogen. Cet expert du XIIème siècle enseignait qu'il fallait
répondre à une attaque par une force complémentaire. A la puissance doit concorder
l'esquive dans la souplesse tandis qu'à l'hésitation et à la faiblesse doivent
correspondre la décision et l'engagement,
soit son célèbre tableau :
5 + 5 = 10
6 + 4 = 10
1 + 9 = 10
3 + 7 = 10
2 + 8 = 10
Alors que la majorité des Budo demeure liée à un système féodal
basé sur la ruse et la puissance musculaire, en d'autres termes
sur un esprit de destruction ou de domination du type :
7 - 3 = 4
6 - 4 = 2
A l'inverse le T'ai-Ki K'iuan, le Judo traditionnel et l'Aikido
sont régis par l'idéal de Me Ogen et recherchent :
7 + 3 = 10
6 + 4 = 10
L'action de l'un plus celle de l'autre forment l'harmonie .
(Cf. P. Warcollier. Les Cahiers du Budo)."
Extrait de "Le jeu des énergies dans la pratique de l'Aikido" (Ed. Trédaniel).
|
Crédits : Un grand merci à Georges Derid (3eme Dan et BE1)
d'avoir bien voulu guider ce travail.
Dessins et texte : © Mu.
Dépôt IDDN : IDDN.FR.010.0117613.000.R.P.2012.035.42000.
Cet article ne peut être reproduit sur d'autres sites sans autorisation.
Des éléments de cette page peuvent être librement réutilisés sur des sites non-commerciaux
à la condition de mentionner leur auteur et de mettre un lien vers le site d'origine.
|
|