... et ses vagues.
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Masato MATSUURA
松浦眞人
Déroutantes spirales
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Bondissant d'une posture assise, Masato Matsuura dégaine son katana
du XVIème siècle à la NAMT 2012.
Ceux qui l'ont découvert deux ans auparavant lors des démonstrations
d'arts martiaux à la Maison de la culture du Japon, ou qui l'avaient
déjà remarqué à la NAMT 2008, reconnaissent cette silhouette apparemment
frêle qui s'impose avec tant d'autorité et de "présence", qu'il s'agisse
de la démonstration de Iaido, ou des aperçus de Shinkage ryu ou de Daito ryu.
De la chorégraphie si astreignante du théâtre Nô jusqu'au seuil de l'Aikido, l'itinéraire peut paraître surprenant pour des Occidentaux. Et pourtant certains se lancent dans cette exploration sous sa conduite, partageant aussi ce qui ressemble parfois aux pointillés de la recherche. Contrairement à ce qui s'est passé à la génération précédente, aujourd'hui peu de maîtres Japonais enseignent l'Aikido à demeure en France. Mais revisiter les racines de l'Aikido (c'est-à-dire le Daito ryu) à partir des tréfonds culturels du vieux Japon, cela relève du hors-piste solitaire. Un autre corps Glissant à pas courts et précis sur le parquet du dojo, Masato Matsuura introduit tous ses cours d'armes (tous !) en insistant sur les particularités de la marche japonaise en contexte martial : qu'il s'agisse de Niten (art des "deux sabres"), de Shinkage ryu (bokken), de main-nue ou de théâtre Nô, l'enseignement souligne toujours le rôle du bas du corps : en perpétuel réajustement d'équilibre, le pratiquant canalise son énergie pour s'ancrer, vertical, dans un milieu mouvant. Une nouvelle technique est étudiée : elle vient des armes. Bien sûr. On sourit : "banalité !". Banalité, vraiment ? Tout le monde répète que les techniques de l'Aikido viennent des armes et tout le monde ne regarde que le haut du corps du pratiquant. Mais Masato Matsuura, lui, insiste sur le fait que les techniques du Daito ryu viennent, avant tout, du placement des pieds tel qu'hérité des techniques d'armes. Matsuura sensei souligne d'abord le rôle du bowl du pied, du point très précis où il doit prendre contact avec le sol. Il décrit l'orientation du pied et l'ouverture des hanches comme une anticipation du déplacement à venir, et la rétroversion du bassin comme une prise d'appui invisible. Le doublon omoplates/sternum et la souplesse des épaules peuvent permettre au corps tout entier de s'assimiler aux mondes aquatiques ou aériens. Une autres approche Pronation et supination, la trajectoire des bras suit deux spirales imbriquées, comme le yin et le yang. L'ensemble doigts / mains / poignets se referme comme un animal marin ou s'évasent comme un volubilis. Alors l'énergie est recueillie dans les dernières phalanges et le corps, totalement relâché, peut s'ancrer dans le sol ou s'élèver sans pesanteur, et déséquilibrer irrésistiblement le partenaire sans la moindre brutalité. Les poussées subies par Uke sont principalement verticales : Tori cherche à provoquer le fameux réflexe de flexion des genoux, et parfois il projette. Mais Uke ne roule pas. Ce sont des techniques courtes, relâchées, précises, intérieures, sobres. L'aikidoka reconnaîtra les techniques, mais il peut être surpris par l'attention portée à certains points-clés, au moment de la prise de contact par exemple : le travail des doigts, l'angle du poignet, le niveau du hara, le pivôt du bassin... Des instants qui sont souvent survolés dans une approche classique. Quelque chose comme l'impression d'un changement d'échelle, d'un zoom avant où tout reste d'une complexité comparable au lieu de se simplifier. Déroutant. Que le déroulé soit d'une lenteur hors du temps ou d'une fraction d'instant, il évoque le monde animal. Ces gestes imperceptibles et irrésistibles supposent, pour chaque technique, des années de travail, de recherche, et parfois de tatônnements. Le chemin 6 ans de formation professionnelle au Nô. Puis une prise de distance, via le théâtre contemporain. Puis 3 ans de Karate, 6 ans d'écoles de sabre, le tout à plein temps, des styles durs, très durs. Et à 35 ans, un choc : la rencontre avec le Daito ryu. Masato Matsuura apprend la puissance d'un corps relâché, l'usage de l'énergie "sans que ce soit visible de l'extérieur". Les années d'apprentissage du Nô seront alors revues sous un autre angle. L'étude du Shinkage ryu et du Niten Ichi ryu viendront compléter. La maîtrise du technicien, la sensibilité de l'artiste, le tact de l'humain qui permet de surmonter les obstacles linguistiques. Et l'extrême et sincère simplicité de celui qui a tant travaillé, travaille tout le temps et connait le questionnement de soi-même. Retrouver des traces communes dans des savoirs si divers pour bâtir un ensemble cohérent et transverse n'est pas une quête de tout repos. Il faut aussi savoir trouver l'axe positif du doute. Surmonter les difficultés de la communication verbale, dans des contextes où, traditionnellement, on ne verbalisait pas. Ceux qui ont participé aux stages de Y. Kono feront l'analogie. Les pratiquants de Taichi et de Qigong aussi. Ces recherches relèvent des courants de la "non-force" que l'académisme n'admet pas toujours. Mais qui intéressent ceux qui cherchent à renouer avec les racines culturelles asiatiques. Un regard venu d'ailleurs, d'un certain fond des âges, mais neuf pour nous, Occidentaux. Et c'est bien cela que l'on vient chercher, quel que soit l'horizon habituel (arts de la scène, arts plastiques; arts martiaux...) et quel que soit son niveau. On n'y vient pas renier son expérience antérieure ou parallèle, on y vient, bien au contraire, la revisiter, essayer de trouver le pourquoi du comment. L'exploit est de permettre une approche intuitive de l'esthétique Zen, dans son minimalisme, mais détachée de tout aspect mystique. C'est l'effort à faire pour creuser les matrices de l'Aikido. Quelques aspects techniques : un exemple des liens entre sabre et main-nue L'"entrée" sur Shomen uchi (comme l'est la parade lors du kata de sabres, voir croquis en début d'article) est l'illustration la plus absolue de la notion d'irimi. Puis Tori, pivotant en spirale, impose au poignet d'Uke une torsion (qui évoque un Kotegaeshi pour les Aikidoka, mais elle est ici obtenue par un enchaînement original des gestes). Le placement des pieds est, dans cet exemple, similaire pour le sabre et en main-nue.
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